The State of the Med.Marine&Coastal Env.- French
Il a été démontré que les POP perturbent les systèmes endocri- niens d’un certain nombre d’organismes et modifient les sys- tèmes reproductifs des espadons méditerranéens, constituant ainsi une menace pour la survie des espèces. Il existe également des preuves de possibles effets trans-générationnels chez les petits cétacés (Abdulla et Linden 2008). Les effets des composés organostanniques ont été bien docu- mentés en mer Méditerranée. Le TBT est considéré comme la substance la plus toxique jamais introduite intentionnellement dans un environnement marin. Il touche le biote de manière non-ciblée, en particulier dans des zones où la densité de navires est élevée et la circulation de l’eau restreinte, comme les ports et les marinas. Les invertébrés marins sont particulièrement sen- sibles au TBT. Les effets comprennent des changements mor- phologiques, une réduction de la croissance, une disparition de l’immunité, une réduction du potentiel reproductif et une modi- fication de la structure de la population. Un autre effet connu du TBT (d’après des études en laboratoire) est le développement de caractères sexuels mâles dans les gastéropodes prosobranches femelles. Il a été démontré que ce phénomène se produit à des taux de concentration en TBT bien inférieurs à ceux enregistrés dans les eaux et sédiments de la mer Méditerranée. Ces déve- loppements d’anomalies reproductives ont été enregistrés chez des gastéropodes collectés dans des zones sujettes à la fois à de fortes et à de faibles activités maritimes depuis le début des an- nées quatre-vingt-dix le long du littoral de Catalogne et de Ligu- rie, autour de Naples, et au large des côtes nord-ouest de Sicile, de Malte, de Venise (Italie), de Rovinj (Croatie) et de Bizerte (Tuni- sie). Au-delà des conséquences pour les gastéropodes, le TBT et ses produits dégradés ont tendance à s’accumuler dans les tis- sus des organismes marins et à se propager à travers la chaîne alimentaire. De très fortes concentrations ont ainsi été trouvées chez des prédateurs supérieurs y compris le grand dauphin, le thon rouge, et le requin bleu prélevés au large de l’Italie (Abdulla et Linden 2008). Les transports maritimes sont une source très importante de pollution par les hydrocarbures pétroliers (pétrole) et les HAP en mer Méditerranée. Une étude réalisée récemment par l’UICN (Abdulla et Linden 2008), a analysé les conséquences des trans- ports maritimes sur la biodiversité de la mer Méditerranée en s’intéressant, entre autres, à la pression et à l’impact des rejets d’hydrocarbures par les navires. Neuf mille trajets de pétroliers, transportant plus de 400 millions de tonnes de pétrole brut, ont été enregistrés en 2006. La plupart de ces trajets partaient ou arrivaient dans des installations portuaires méditerranéennes. D’après certaines études, environ 0,1% du pétrole brut trans- porté est délibérément déversé dans la mer chaque année à la suite d’opérations de nettoyage des citernes (Solberg & Theophi- lopoulos 1997 ; PNUE/PAM 2006). Tous les autres types de navires sont également des sources potentielles de rejet de déchets pétroliers. Parmi les autres sources de rejets d’hydrocarbures se trouvent, entre autres, le chargement / déchargement, la mise en soute, les opérations de mise en cale sèche et le rejet des huiles minérales de fond de cale (Abdulla et Linden 2008). Malgré l’importance du secteur maritime et les implications potentielles des rejets d’hydrocarbures, les données sur le sujet sont rares. Les rejets illicites de la part des navires peuvent être détectés par satellite, ce qui permet de cartographier approxi- Pollution par les hydrocarbures et hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)
Quelques stations situées le long de la côte italienne de la mer Adriatique ont relevé des valeurs modérées d’aldrine et de dieldrine, tandis que Durrës et la baie de Vlorë (Albanie) montrent des niveaux très élevés de DDT et de lindane. Des concentrations modérées de lindane et de DDT ont été rele- vées, dans le golfe de Trieste et dans la région des Marches (Italie), respectivement. En Méditerranée orientale, les concen- trations de DDT dans le biote étaient relativement faibles, bien que des concentrations modérées de DDT aient été trouvées dans la baie d’Izmir (Turquie), sur trois stations au sud de Chypre, ainsi qu’à Saronique, Thermaikos et dans le golfe Am- bracique (Grèce) où les concentrations d’aldrine et de dieldrine étaient aussi très élevées, en raison probablement des activités agricoles de la région. Les niveaux de pesticides chlorés dans les moules ont décliné depuis les années 1990, ce qui est logique au vu de l’interdic- tion de produire et d’utiliser ces composés. Les valeurs médianes de la teneur en pesticides relevées dans les tissus des moules croates et françaises présentent une nette tendance baissière, tout comme les valeurs aberrantes en France. La seule exception semble être l’Albanie (par exemple Durrës et la baie de Vlorë), probablement du fait de stocks anciens de pesticides chlorés. A Mersin (Turquie), la présence de pesticides chlorés dans les moules tend à décroître, bien que des augmentations occasion- nelles aient été enregistrées dans la baie d’Izmir (Turquie). En général, la baisse est moins importante pour les DDT que pour le lindane et les autres pesticides chlorés, ce qui est logique au regard de la demi-vie plus longue des DDT. Les deux derniers groupes de POP problématiques en mer Méditerranée sont principalement liés au trafic maritime et à la navigation de plaisance. Il s’agit de biocides (principalement les composés organostanniques comme le tributilétain, communé- ment appelé TBT) utilisés dans les peintures anti-végétatives et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et résultant entre autres de déversements d’hydrocarbures et de rejets acci- dentels. Les HAP sont abordés dans la section suivante, dédiée à la pollution par les hydrocarbures. Des organostanniques ont été détectés dans les eaux et sédi- ments méditerranéens depuis la fin des années 1980 et on y relève encore des teneurs élevées, bien qu’ils soient interdits depuis 1990. La dégradation des TBT est lente, leur demi-vie va de quelques semaines dans les eaux des plateaux continen- taux à plusieurs années dans les sédiments profonds (Abdulla et Linden 2008). Les données relatives à leur répartition sont pauvres, mais suffisent à démontrer que les TBT ont été détec- tés dans tous les échantillons d’eaux et de sédiments analysés en mer d’Alboran, dans le nord-ouest de la Méditerranée, sur le littoral italien de la mer Tyrrhénienne, dans la lagune de Venise, le Golfe de Saronique (Grèce), le littoral sud de la Turquie, les côtes israéliennes et à Alexandrie. Des sondages montrent une amé- lioration de la situation suite à l’interdiction de leur utilisation, en particulier dans les ports de plaisance, mais montrent aussi que les TBT ont été acheminés dans des zones très éloignées de leurs sources (Abdulla et Linden 2008). En plus des ceux décrits plus haut (PCB et pesticides chlorés), des POP d’origine industrielle et domestique, comme les retar- dateurs de flamme bromés (polybromodiphényléther ou PBDE), ont aussi été trouvés dans le biote marin, y compris dans les moules communes.
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ETAT DE L’ENVIRONNEMENT MARIN ET CÔTIER DE LA MÉDITERRANÉE
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