Singes volés

TYPES DE TRAFIC

Le trafic à petite échelle Dans les zones où habitent les grands singes et les villes avoisi- nantes, il n’est pas rare de trouver des chimpanzés ou des orangs- outans ostensiblement transportés sur les routes, au beau milieu des villes ou aux alentours de ces dernières. Un acheteur potentiel qui rentre dans un restaurant ou un bar et demande où il serait pos- sible d’acheter un grand singe, obtient souvent la réponse suivante : « Revenez demain, je vous en aurai trouvé un. » Les grands singes capturés sont régulièrement transportés, par les voies terrestres, fer- roviaires, maritimes ou aériennes, des zones rurales vers les zones urbaines. Ce trafic à petite échelle représente une menace constante pour les populations de grands singes sauvages, et il ouvre la voie à un commerce illicite de plus grande ampleur. Le trafic à grande échelle Les trafiquants opérant à grande échelle, qui participent au tra- fic international de grands singes vivants, achètent les spécimens auprès de petits trafiquants locaux. Ils effectuent leurs activités à proximité des ports d’expédition ou des aéroports internationaux qui se trouvent non loin des habitats naturels des grands singes. Ces trafiquants réussissent à s’assurer la complicité du personnel navi- gant des lignes maritimes ou aériennes, et entretiennent souvent des relations avec les agents de police et des douanes, ainsi qu’avec des agents nationaux de la CITES, qu’ils corrompent lors des phases d’importation et d’exportation du trafic. D’après les informations re- latives aux affaires de confiscation, les trafiquants opérant à grande échelle expédient deux à six singes à la fois. Étant donné qu’ils s’adonnent à ces activités pendant de longues périodes, ils gèrent au total un grand nombre de primates, et en tirent par conséquent des bénéfices importants. Les chimpanzés et les gorilles Le Cameroun, la RDC et la Guinée sont les premiers pays d’appro- visionnement pour les chimpanzés et gorilles. Kano, au Nigéria, est d’ailleurs le principal point de transit des produits de contrebande. Une enquête menée par la Société mondiale pour la protection des animaux (WSPA) en 1997, a permis de découvrir l’existence d’un itinéraire de contrebande spécifique, pour les espèces d’Afrique de l’Ouest inscrites à la CITES (notamment en provenance du Came- roun et du Nigéria). Cet itinéraire incluait un passage par le Soudan et l’Égypte, et se terminait au Moyen-Orient ou en Asie. Les enquê-

teurs ont appris que les trafiquants de Kano exportaient environ 40 chimpanzés et 8 gorilles chaque année, et que ce type de com- merce perdurait depuis longtemps (New York Times, 1997 ; Raufu, 1999). Le Caire est à la fois une ville de destination et une plateforme du trafic, puisque les animaux sont expédiés depuis cette ville vers d’autres pays du Moyen-Orient et vers la Chine. Il est très probable également que le Gabon et le Congo, parmi d’autres pays africains, contribuent à l’expédition de grands singes vers Kano. Pendant de nombreuses années, les chimpanzés victimes de trafic provenaient de Guinée. Depuis 2010, des gorilles, qui ne sont pas originaires de Guinée, ont également été exportés depuis ce pays. La Chine est le principal pays de destination. Entre 2007 et 2012, des mineurs chinois en Guinée ont exporté plus de 130 chimpanzés et 10 gorilles vers la Chine, avec la complicité de l’organe de ges- tion de la CITES de Conakry (Johnson, 2012 ; Ammann, 2012). En 2012, LAGA a signalé l’arrestation de ressortissants chinois ayant participé à un trafic de grands singes en Guinée, indiquant que des documents de la CITES avaient été falsifiés pour attester que les chimpanzés et gorilles avaient été élevés en captivité. En réalité, les gorilles provenaient probablement de la RDC (LAGA/WCP, 2012 ; Ammann, in litt. 2012b). En 1994, un chimpanzé est saisi au Caire, en Égypte, dans un vol en provenance de Kano, au Nigéria. Une femme décrite comme étant d’origine nigériane se déclare propriétaire de ce chimpanzé et essaie, sans succès, d’utiliser son influence diplomatique pour le faire libérer (CITES, 1994). A la suite d’enquêtes menées par des ONG, il est apparu que cette femme, qui possédait la double citoyenne nigériane et égyptienne, faisait régulièrement passer en contrebande des chimpanzés et des gorilles. Elle aurait vraisemblablement, en l’espace d’une vingtaine d’années, acheminé des centaines de grands singes depuis Kano jusqu’au Caire (Ammann, 2011, 2012). Son mari était propriétaire d’une entreprise de transport, présente en Égypte, au Nigéria et au Cameroun, et le couple était lié à des personnalités influentes dans chacun de ces pays (Bharadwaj, 2006). Itinéraire de contrebande, du Nigéria à l’Égypte

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