LE DERNIER CARRÉ DES GORILLESC

Le résultat, le triste résultat reste que d’année en année on tue plus de gorilles qu’il n’en naît et que la mort leur est donnée par l’homme dans une grande partie des cas. Du point de vue de la personne qui a tué, il s’agit d’un acte découlant d’une décision con- sciente et logique, Donc, pour changer le comportement de ceux qui tuent les gorilles, il faut comprendre leur situation et ce qui les mène à tuer. COMPARAISON DU DANGER ENTRE LES SOUS-ESPECES Certaines des menaces esquissées ci-dessus peuvent aboutir à la mort d’un petit nombre de gorilles, ce qui peut paraître insignifi- ant face à des populations qui se comptent en milliers. Pour les sous-espèces les moins nombreuses, toutefois, dont la popula- tion se monte à quelques centaines, la contribution génétique de chaque individu compte pour la reconstitution de la population. Et c’est au sein de ces populations minuscules et fragmentées que le conflit entre les hommes et la faune est le plus prononcé. Dans les zones où on pratique la chasse au gorille, leur première réaction lorsqu’ils voient, sentent ou entendent les hommes est de fuir silencieusement ou de fuir silencieusement après un cri d’alarme très fort et très soudain. Si les humains se retrouvent au milieu d’une famille de gorilles par accident (par exemple en marchant sous une pluie battante), ce OUARRGH soudain et explosif est interprété par la plupart des gens comme prélude à une attaque réelle. Si un poursuivant se révèle très opiniâtre, il arrive que le dos-argenté se sépare du groupe et se cache jusqu’à ce que la personne s’avance, puis se précipite vers elle en rugis- sant, dans une mise en scène dramatisée. Peu d’hommes armés d’un fusil peuvent résister à la pulsion de tirer dans ces deux ci- constances, et ce n’est qu’après de nombreuses années (et après la mort de nombreux dos-argentés) qu’on a pris conscience que cette charge n’est qu’un bluff, à moins que les gorilles ne soi- ent réellement attaqués. Le risque de ces rencontres fatales aug- mente lorsqu’une guerre ou des désordres civils ont lieu, lorsque de plus en plus d’hommes armés marchent à travers le biotope du gorille, un doigt sur la détente de peur d’être attaqués par les forces ennemies. Pour lutter contre cette menace, l’un des choix consiste à intégrer l’information sur comment réagir face aux gorilles au programme d’entraînement des troupes déployées au sein de l’habitat des gorilles. Au Rwanda, par exemple, les soldats qui patrouillent pour assurer la sécurité des touristes au Parc national des Volcans sont informés en profondeur et on les a souvent vus fascinés par les gorilles. TUER LES GORILLES EN IMPRESSION DE LEGITIME DEFENSE

MENACES Au cours des derniers siècles, les gorilles ont été confrontés à un large éventail de menaces nouvelles, qui vont des maladies appor- tées par les humains à la destruction et à la fragmentation de leur habitat par l’exploitation forestière, l’extraction minière et les in- cendies de forêt, en plus de la chasse pour la viande de brousse et des balles perdues des conflits. Les guerres civiles n’ont pas seule- ment un impact sur la vie et sur la survie des gens, elles abou- tissent aussi à l’abattage délibéré des gorilles ainsi qu’à leur mort accidentelle sur des mines ou des explosifs piégés. Primates de grande taille vivant en groupe, les gorilles ont peu de prédateurs naturels. On a parlé de léopards qui ont tué des gorilles adultes (p. ex. Baumgartel, 1976) et on peut imaginer de jeunes go- rilles capturés par des pythons ou par des rapaces, mais les jeunes sont normalement protégés par les adultes. On peut aussi consi- dérer les êtres humains comme un prédateur naturel, mais dans le passé, la taille, la vigueur et les impressionnantes démonstra- tions de force des gorilles à dos argenté suffisaient à décourager les chasseurs traditionnels, à l’exception des plus hardis d’entre eux. L’introduction des armes à feu en Afrique centrale au XIX ème siècle a changé tout cela, et au fur et à mesure que les fusils se sont répandus au cours du XX ème siècle, les populations de gorilles exposées à la chasse ont commencé à décliner. On ne peut cependant pas parler d’un processus coordonné d’élimination des gorilles. On peut penser que les braconniers eux-mêmes ne veulent pas faire disparaître la source leurs prof- its. Le déclin des populations de gorilles est dû à une négligence collective – l’aménagement du territoire n’est pas suivi avec assez de soin, les budgets d’application des lois sur la conservation du gibier sont insuffisants, et on ne donne pas assez d’alternatives aux braconniers pour trouver une meilleure façon de sortir de la pauvreté.

 Figure 1: La réserve communautaire de gorilles de Walikale

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