LA CRISE DE LA CRIMINALITÉ ENVIRONNEMENTALE

Au Kenya, le charbon de bois constitue une source d’énergie pour 82 % des ménages urbains et 34 % des ménages ruraux 147 . La consommation annuelle de ce pays de 40 millions d’habi- tants, dont le taux d’urbanisation est de 25 %, s’élève entre 1 et 1,6 million de tonnes 148 . Le Kenya compte ainsi environ 18,4 millions de consommateurs utilisant chacun 70 kg de charbon de bois par an. À Madagascar, 85 % de la population dépend du charbon de bois. Le pays compte 22,3 millions d’ha- bitants et produit 1,19 million de tonnes de charbon de bois par an, ce qui aboutit à une consommation de 63 kg de charbon par an et par personne. La consommation moyenne de charbon de bois dans ces deux pays s’élève donc à environ 66,5 kg par an. Compte tenu des prévisions élevées de croissance démo- graphique et d’urbanisation en Afrique, la consommation rela- tive de charbon de bois, ainsi que la quantité consommée, en termes absolus, devraient augmenter de façon spectaculaire. En supposant que seulement 65 % de la population africaine consomme du charbon de bois, pour une consommation par personne de 66,5 kg en 2015, la consommation totale s’élèvera à 90,8 tonnes de charbon de bois. Une étude indique par ailleurs que l’augmentation du taux d’urbanisation d’un point de pour- centage s’accompagne d’une augmentation de la demande de charbon de 14 % 149 . La demande de charbon de bois devrait, sur la base de ces deux projections, atteindre au minimum entre 79 et 90 millions de tonnes en 2050 à moins que n’émerge une nouvelle source d’énergie présentant les mêmes caracté- ristiques en termes d’accessibilité et de facilité d’usage. Cette augmentation correspond à un volume compris entre 474 et 540 millions de m 3  en équivalent bois rond. Cette forte demande de charbon de bois aura de graves consé- quences : déforestation à grande échelle, pollution, problèmes de santé dans les quartiers défavorisés, notamment chez les femmes. L’accroissement de la demande de charbon accélérera également les émissions de CO 2 , en raison du recul des forêts mais aussi des émissions dues aux polluants climatiques de courte durée (le « carbone noir »). La production et le commerce de charbon de bois constituent une source de revenus impor- tante pour les producteurs ruraux pauvres, et une source d’énergie peu onéreuse et très demandée par les communautés urbaines défavorisées. Or, le statut juridique du charbon de bois, en tant que produit, diffère largement d’une juridiction à l’autre à l’intérieur d’un même pays, et d’un pays à l’autre. Ce commerce prend différentes formes, allant du commerce réglementé aux échanges non réglementés, illicites et illégaux, contribuant dans certains cas à financer des conflits 150 . Le commerce illicite et non réglementé du charbon de bois Les estimations officielles de la FAO évaluent la production afri- caine de charbon de bois à 30,6 millions de tonnes en 2012, d’une valeur comprise entre 9,2 et 24,5 milliards de dollars US par an. Bien que les exportations officielles annuelles de la plupart des pays africains se résument à quelques chargements de camions, les données disponibles suggèrent qu’un nombre supérieur de camions est mobilisé pour le ramassage nocturne des sacs de charbon de bois près des zones protégées et pour le passage des postes-frontières, comme l’ont directement observé les membres du Groupe d’intervention rapide en Afrique de l’Est, notamment en Tanzanie et auparavant entre l’Ouganda

et la RDC, mais également dans d’autres zones du continent. L’analyse des images satellite révèle l’existence d’une exploitation forestière illégale à grande échelle dans de nombreuses zones protégées, par exemple dans les zones de conflit en RDC ou au nord-est de Madagascar, d’où les navires exportent le charbon de bois ou le bois, notamment le palissandre. Internet permet de dénombrer plus de 1 900 revendeurs de charbon de bois pour le seul continent africain, dont 300 au moins exportent officiel-

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