LA CRISE DE LA CRIMINALITÉ ENVIRONNEMENTALE

ÉTUDE DE CAS Inde : la situation du rhinocéros unicorne

sponsorisent et organisent des chasses, armant les bracon- niers de fusils AK-47 pour tuer les rhinocéros, prélever leurs cornes et se battre contre les gardes-chasse 89 . Un membre de Kuki National Liberation Front pris en flagrant délit a admis avoir tué six rhinocéros 90 . Au moins 41 individus du parc de Kaziranga ont été abattus par des AK-47 et 303 utilisés par des groupes extrémistes en 2013, soit deux fois plus que l’année précédente 91 . Les cornes de rhinocéros servent de monnaie d’échange contre des armes et de l’argent pour financer les activités des milices armées, dont la participation au braconnage accroît les risques liés à la protection des animaux du parc. Les gardes- chasse s’engagent désormais ouvertement dans les combats avec les groupes extrémistes, malgré leur équipement limité, leur faible niveau de formation et leurs bas salaires 92 . Les employés du parc de Kaziranga s’efforcent de protéger les animaux grâce à de solides actions de lutte contre le bra- connage, avec plus de 150 postes de sécurité dans tout le parc, le déploiement d’une force d’élite pour la protection des forêts de l’Assam, des réseaux de renseignement locaux et des récompenses attribuées aux informateurs. Des dizaines de braconniers sont arrêtés chaque année, les gardes risquant leur vie dans la lutte contre les militants. Toutefois, l’absence de mesures d’application de la loi, les difficultés de coordi- nation entre les agents forestiers et le pouvoir judiciaire, les soupçons de corruption au sein des services 93  ainsi que les mauvaises conditions de travail, l’absence de formation adéquate et le manque d’équipements des gardes, entravent leurs efforts 94 .

Trois zones protégées de la région de l’Assam (Inde), Kazi- ranga, Orang et Pabitora, abritent 75 % des derniers rhino- céros unicornes. La population de Kaziranga est aujourd’hui la plus importante, avec plus de 2 000 individus, fruit d’ef- forts remarquables de conservation. Au tournant du 19 e siècle, les estimations comptabilisaient moins de 50 rhino- céros unicornes en Inde. La région de Kaziranga n’en abritait plus que 12. Le parc, un « point chaud » de biodiversité est aujourd’hui inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO et abrite des populations importantes de tigres du Bengale, d’élé- phants, de buffles et de cerfs des marais. Ces animaux sont toutefois menacés par la dégradation de leur habitat, les acci- dents (trafic routier et trains), les conflits avec l’homme et les inondations périodiques. Le braconnage des groupes armés a également augmenté en 2007, coûtant la vie à 18 rhinocéros. Les populations de rhinocéros ont disparu de deux autres parcs de la région en raison du braconnage lié aux conflits dans les années 1980-1990. Aujourd’hui, une multitude de groupes armés (séparatistes tribaux, rebelles et terroristes islamistes) braconnent dans le parc de Kaziranga ou dans les régions avoisinantes 86 . Une vingtaine d’organisations extrémistes, liées à des organisations criminelles népalaises, thaïlandaises et chinoises 87 , sont actives dans la région, entraînant la prolifération des armes, l’augmentation de l’insécurité et la pénétration de réseaux criminels transna- tionaux 88 . Les tigres, éléphants et rhinocéros du parc sont, d’après certaines sources, victimes du braconnage de groupes terroristes bengalis affiliés à Al-Qaïda (Harkat-ul-Jihad-al- Islami et Jamayetul Mujahideen) qui cherchent à financer leurs activités. Les Karbi Peoples’ Liberation Tigers (KPLT)

50

Made with